Attentes des patients - Dr Nguyen à Paris

Ce que les patients attendent de leur médecin… et vice-versa (VIII) : Pourquoi les patients respectent-ils ou non les prescriptions du médecin ?

 

Résumé : La non-observance ou non-compliance des patients est un phénomène classique, mais que peu de praticiens prennent le temps d’étudier dans le détail. Pourtant, s’interroger sur les raisons pour lesquelles les patients abandonnent un traitement permet non seulement de chercher à remédier à ces raisons, mais encore de décharger le patient comme le médecin d’une partie de la responsabilité liée à la non-observance.

 

Les profils des patients non-observants

 

La Revue Médicale Suisse rappelle que l’arrêt des traitements (médicaments, régime, etc.) par le patient, point extrême de la non-observance, n’est pas un cas rare : « En médecine hospitalière comme en pratique privée, il arrive fréquemment qu’un patient, en cours de traitement, mette un terme à un suivi auquel il a pourtant, dans un premier temps, adhéré : le patient peut ainsi cesser de prendre la médication prescrite ou ne plus se rendre aux contrôles prévus.[1] » Mais ce cas-là ne représente qu’un des types de la non-observance, une étude s’étant appliquée à catégoriser sept profils de patients envisagés selon leur observance[2] :

  1. Docile (bonne observance),
  2. Démissionnaire précoce (cesse très tôt d’observer),
  3. Intérimaire (observe sur une durée limitée),
  4. Intermittent (tantôt observe, tantôt non),
  5. Joueur (n’observe pas ou peu malgré des risques importants et bien compris),
  6. Distrait (oublie d’observer),
  7. Rebelle (n’observe pas, dans un apparent besoin de s’opposer).

Cependant, ces profils décrivent juste un mode d’adhésion et il faut bien explorer les raisons pour lesquelles un patient adopte l’une ou l’autre de ces attitudes.

 

Les raisons des patients pour suivre ou ne pas suivre un traitement

 

A l’un des pôles de l’observance thérapeutique, c’est-à-dire du côté de l’observance docile, on trouve par exemple :

  • ou bien des patients qui observent les prescriptions parce qu’ils ont compris en profondeur les enjeux d’un traitement et adhèrent donc au protocole ;
  • ou bien des patients qui ont derrière eux un long chemin de souffrances, voire d’échecs thérapeutiques et qui observent les prescriptions parce qu’ils sont à bout et tiennent fermement à cet ultime espoir d’un soulagement.

A l’autre pôle de l’observance, du côté des patients qui n’observent pas les prescriptions, on trouve différents freins à la compliance :

  • des patients qui ne croient pas au traitement proposé, parce qu’ils le confrontent au point de vue d’un autre médecin et expriment leur liberté par le doute[3];
  • des patients qui pensent que le soulagement va survenir par la seule action du médecin (ou des aiguilles d’acupuncture), sans participation nécessaire de leur part ;
  • des patients qui consultent pour recevoir un type de soins (par exemple l’acupuncture) et qui refusent toute autre intervention thérapeutique.

Entre ces deux pôles, il y a les patients à demi-investis, qui vont inévitablement, à un moment, glisser vers le pôle de l’observance ou de la non-observance :

  • ils estiment manquer de temps pour modifier leur hygiène de vie ;
  • ils mettent en avant leur famille (conjoint, enfants…) qui, par exemple, ne supporteraient pas, en cas de protocole diététique, un changement de menus.

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Les facteurs individuels et environnementaux qui conditionnent la « compliance »

 

Au-delà encore de la posture freinant l’observance, il y a une série de facteurs qui la conditionnent[4] :

  • Âge: pour la personne âgée (perte de mémoire, perte musculaire affectant la déglutition, polymédication augmentant la complexité des schémas de prise…) ;
  • Genre: les femmes sont plus sujettes à la polymédication (qui impacte négativement l’observance), la grossesse peut faire varier l’observance selon le milieu sociologique ;
  • Compétences: psychomotricité ou actes délicats rendant difficile l’administration (se piquer, prendre sa tension, vérifier sa glycémie, observer les signes d’hémorragie) ;
  • Schéma de prise: difficulté à ouvrir un emballage, à lire la notice, à apprécier le goût d’un liquide ou à avaler/couper un comprimé (personnes âgées), difficulté à observer une prise en trois ou quatre fois par jour, encore plus pour les prises horaires ;
  • Polymédication et/ou traitement long: la prescription de plus de quatre médicaments est associée à un risque d’inobservance[5], de même la prise en charge sur le long terme[6] ou les effets indésirables[7] ;
  • Origine sociale : le prix du traitement impacte négativement l’observance[8] (mais moins en France grâce à l’importance des remboursements[9]) ; difficulté à comprendre en fonction du degré d’éducation ou de la maîtrise du langage ;
  • État émotionnel: la dépression favorise l’inobservance ; les traitements chroniques (pour toujours) peuvent déprimer parce que renvoyant à la mort ; les personnalités pathologiques (instables) peuvent avoir une observance irrégulière ;
  • Caractère asymptomatique de la maladie: les pathologies asymptomatiques rendent difficile pour les malades de percevoir la dégradation de leur santé[10] ; mais des pathologies liées au cœur effraient et bénéficient d’une meilleure observance ;
  • Entourage : l’observance est meilleure si un membre de l’entourage la soutient et moins bonne si l’entourage dénigre le traitement ;

Cette réflexion sur l’observance ou compliance confirme une circonstance essentielle : la participation du patient est indispensable pour mener un traitement. Si le praticien a une bonne connaissance de tous les facteurs influençant l’observance, il pourra certes tenter de les déjouer ; mais le patient n’en garde pas moins sa responsabilité d’individu, qui assume son degré de compliance, à tel point que la Suisse a inscrit dans la loi le partage, par le patient, de la responsabilité des conséquences d’une mauvais observance[11]. Prendre conscience de cette responsabilité partagée, c’est s’engager de façon plus lucide dans un processus de soins : médecin et patient, loin de chercher un responsable, seront mieux armés, ensemble, pour lutter contre la non-compliance.

 

 

 

Dr. Nguyen Phuong Vinh.

[1] O. Pelet, « Nul n’est censé ignorer… comment réagir face à un patient non compliant », Rev Med Suisse, 2005, volume 1, 1896.

[2] A. Robinson, « Review article: improving adherence to medication in patients with inflammatory bowel disease », Alimentary Pharmacology and therapeutics, vol. 27, n°11, 2008, p. 9-14.

[3] J. Fogarty, « Reactance theory and patient compliance. », Soc Sci Med, vol. 8, n°145, 1997, p. 1277-1288.

[4] Aniss Louchez, L’observance thérapeutique – Présentation du concept, moyens de promotions et évaluation d’inégalités d’accès à l’ETP, Thèse de Pharmacie, Université de Lille, 2017, p.17-25.

[5] Andrew Robinson, « Review article: improving adherence to medication in patients with inflammatory bowel disease », Aliment Pharmacol Ther, p. 9-14, 2008.

[6] André Scheen et Didier Giet, « Non-observance thérapeutique : causes, conséquences, solutions », Rev Med Liège, vol. 65, n°15-6, 2010, p. 239-245.

[7] InCa – Institut National du Cancer, « Plan cancer 2014-2019 », 2015, https://www.e-cancer.fr/ressources/plan-cancer-2014-2019-rapports-aux-francais/

[8] M. Eaddy, C. Cook et K. O’Day, « How patient cost-sharing trends affect adherence and outcomes. A literature review. », P&T, 2012, p. 45-55.

[9] Académie nationale de pharmacie, « Observance des traitements médicamenteux en France », 2015.

[10] A. Sarradon-Eck, « Le sens de l’observance. Ethnographie des pratiques médicamenteuses de personnes hypertendues. », Sciences sociales et santé, 2007 ; Gérard Reach, « Une théorie du soin », Paris, Les belles lettres, 2010.

[11] O. Pelet, « Nul n’est censé ignorer… comment réagir face à un patient non compliant », Rev Med Suisse, 2005, volume 1, 1896.

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