Homoparentalité - Dr Nguyen à Paris

UN MEDECIN PARTAGE SES REFLEXIONS

Le désir d’enfant (V) : L’homoparentalité (1)

Résumé : Si le désir d’enfant chez l’hommes est peu médiatisé, on évoque encore moins le désir d’enfant chez l’homme homosexuel ou dans le couple homosexuel en général. Le regard de la société et l’absence éventuelle de filiation génétique suppose pourtant des spécificités dans la manière dont on désire et imagine la parentalité.

Évoquer le désir d’enfant chez les hommes n’implique pas seulement de se pencher sur la préparation à la paternité d’une façon générale ; il s’agit aussi de s’intéresser aux pères qui désirent un enfant dans le cadre d’un couple homosexuel et qui se retrouvent donc à s’interroger d’autant plus profondément sur ce que c’est qu’être père.

L’éventuelle spécificité du désir d’enfant chez le parent non-hétérosexuel, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme, constitue tout un domaine d’étude pour la sociologie et la psychanalyse. Désirer un enfant lorsqu’on est un homme homosexuel ou une femme homosexuelle ne suscite pas le même regard de la société et, ne serait-ce que pour cette raison, n’entraîne pas la même appréhension chez le futur parent.

Entre refoulement et besoin d’être conforté dans son orientation

Bien sûr, on retrouve chez les hommes et les femmes homosexuels une bonne partie des composantes du désir d’enfant chez les couples hétérosexuels : besoin de continuer à exister après la mort, volonté de rendre le don de la vie…

Cependant, on remarque que le désir d’enfant émerge parfois plus difficilement chez les personnes homosexuelles, qui peuvent refouler ce désir par crainte d’être encore plus stigmatisées. Les hommes craignent souvent davantage cette stigmatisation, car les femmes (surtout quand cela passe par une grossesse) bénéficient du maintien de la figure maternelle, encore plus importante aux yeux de la société que celle du père. Cette crainte d’un rejet supplémentaire et la conscience anticipée d’être des parents différents font que les femmes et les hommes homosexuels réfléchissent beaucoup à leur projet de parentalité[1].

Lorsqu’ils dépassent la crainte d’une stigmatisation, les couples homosexuels peuvent alors chercher, dans le désir d’enfant, une confirmation de la légitimité de leur orientation sexuelle. En désirant devenir parent, ils désirent donc aussi réaffirmer leur volonté d’assumer leur orientation sexuelle ; un futur père homosexuel dit ainsi à propos d’un couple d’hommes ayant adopté : « La façon avec laquelle les enfants parlaient de leurs pères de leur vie familiale, de leur éducation, de leurs vies à l’école, de leurs amoureuses…. A fait disparaître définitivement mes préjugés[2]. »

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Évolution du regard de la société et des possibilités concrètes

 

Certes, au cours du début du deuxième millénaire, le risque de stigmatisation s’est atténué et les perspectives de devenir parent se sont accrues depuis la Loi du 17 mai 2013 sur le mariage et l’adoption (mais pas sur la procréation médicalement assistée, PMA) « pour tous »[1]. Cependant, si cette loi a eu pour conséquence une plus grande visibilité du désir d’officialisation des familles homoparentales, elle n’a pas réglé tous les obstacles aux projets homoparentaux. Le désir d’enfant des couples homosexuels continue ainsi de se faire dans un contexte de relative marginalisation sociale, sans pleine et entière reconnaissance légale ou juridique (selon qu’il s’agisse d’un couple d’hommes ou de femmes, d’adoption ou de procréation, de coparentalité…).  

 

Un désir individualiste ?

 

En outre, certains penseurs[2] s’interrogent sur le lien entre certaines formes de famille (dont les familles homoparentales, mais pas seulement) et un éthos plus individualiste : valorisation des choix individuels, de l’épanouissement personnel et de la dimension sentimentale de la vie familiale.

 

Il ne s’agit pas de remarquer de façon simpliste que l’homoparentalité relèverait, plus qu’une autre parentalité, de la manifestation d’un droit individualiste à l’enfant. En vérité, cet éthos supposé plus individualiste viendrait d’abord d’une mutation générale de la parentalité, qui irait de plus en plus vers un « rôle social de protection et forme valorisée d’épanouissement personnel[3] », au détriment de la dimension généalogique de la filiation. Pour les pères d’aujourd’hui, c’est « l’importance du lien affectif à l’enfant[4] » qui caractériserait la paternité contemporaine ; un aspect de la parentalité longtemps associé à la maternité. Les pères homosexuels s’inscriraient donc davantage dans cette nouvelle paternité. Mais c’est aussi que, selon les configurations, l’une ou les deux parties du couple homosexuel (d’hommes ou de femmes) n’est/ne sont pas concernée(s) par la dimension de transmission d’un patrimoine génétique, ce qui modifierait d’autant la composante transmission dans le désir d’enfant.

Le désir d’enfant homoparental se distinguerait donc de la parentalité hétérosexuelle dans la mesure où :

  • le regard posé sur elle par la société serait différent, ainsi que la reconnaissance juridique, d’où un désir de transmission social différent,
  • le désir de transmettre ses gênes ne pourrait pas nécessairement s’actualiser,
  • le lien affectif serait plus développé, par rapport au lien de filiation et à la relation d’autorité (« Beaucoup de gays réfutent le modèle du père autoritaire et absent[5]. »).

Dr. Nguyen Phuong-Vinh.

[1] Nicole Prieur, « Les couples homosexuels face au désir d’enfant », L’École des Parents, mars 2016, https://www.parolesdepsy.com/les-couples-homosexuels-face-au-desir-denfant/

[2] Nicole Stryckman, « Le désir d’enfant chez l’homme », Le Bulletin Freudien, n° 54, août 2009, p. 151-159, ici p. 156, http://www.association-freudienne.be/pdf/bulletins/2-12_Stryckman_54.pdf

 

[1] Flávio Luiz Tarnovski, « Parenté et affects – Désir d’enfant et filiation dans les familles homoparentales en France », Anthropologie et Sociétés, vol. 41, n° 2, « Désir d’enfant et désir de transmission », 2017, p. 139-155, https://www.erudit.org/fr/revues/as/2017-v41-n2-as03293/1042318ar/

[2] Françoise-Romaine Ouellette, « Les usages contemporains de l’adoption », dans Agnès Fine (dir.), Adoptions – Ethnologie des parentés choisies, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1998, p. 153-176.

[3] F.-R. Ouellette, « L’adoption face aux définitions de la famille et de l’institution généalogique », dans Agnès Fine et C. Neirinck (dir.), Parents de sang, parents adoptifs. Approches juridiques et anthropologiques de l’adoption, France, USA, Canada, Europe, Paris, LGDJ, 2000, p. 325-341, ici p. 331-332.

[4] Christine Castelain-Meunier, La Place des hommes et les métamorphoses de la famille, Paris, PUF, coll. « Sociologie d’aujourd’hui », 2002, p. 84.

[5] Emmanuel Gratton, « Quand la paternité s’égaye… », Dialogue, vol. 173, n° 3, 2006, p. 59-69.

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