La relation entre le médecin et le patient - Volet 1 - Dr Nguyen à Paris

Ce que les patients attendent de leur médecin… et vice-versa (III) : Je t’aime moi non plus » – Une relation qui oscille entre espérance et déception

 

 

Résumé : Les médecins estiment presque unanimement que les exigences des patients à leur égard sont devenues plus nombreuses et plus fortes ; tandis que les patients jugent surtout être en attente d’une qualité relationnelle différente, à savoir d’être davantage associés à la prise de décision. 

 

Une relation médecin-patient forte

 

« D’une certaine façon, les patients sont demandeurs d’une relation paternaliste car ils avouent ‘‘venir voir un peu leur père’’. Ils acceptent donc ‘’d’être bousculés pour aller faire les examens complémentaires’’ ou dirigés ‘’si le médecin me dit de faire quelque chose, je le fais’’.[1] »

C’est ainsi que le Dr. Dedianne, dans sa thèse de médecine sur Attentes et perceptions de la qualité de la relation médecin-malade par les patients en médecine générale commente et cite les propos des patients qu’elle a interrogés sur leur relation avec leur médecin généraliste. Certes, tous les patients ne cherchent pas un père dans leur médecin, mais ces quelques propos sont au moins révélateurs de l’ampleur de l’attente des patients qui consultent leur généraliste. On se doute alors que beaucoup de praticiens, en face, sont susceptibles de trouver ces attentes trop lourdes ou même pas souhaitables. Le patient qui perçoit les limites que le médecin pose ou atteint risque alors de se sentir rejeté, abandonné.

 

Des attentes nouvelles et plus nombreuses des patients

 

La thèse du Dr. Dedianne s’inscrit dans tout un ensemble de travaux qui, essentiellement depuis le début du XXIe s., tâchent de recueillir et d’analyser la parole des patients frustrés comme celle des médecins surmenés. Les chercheurs tentent notamment d’identifier dans la relation médecin-patient l’évolution que les deux instances concernées s’accordent à signaler.

D’un côté, les médecins estiment qu’aujourd’hui « les demandes sont pléthoriques. Elles vont bien au-delà du soin[2] ». De l’autre côté, les patients veulent désormais être associés à la prise de décision médicale, « pouvoir choisir ensemble » et être au centre de l’intérêt du praticien le temps de la consultation : « qu’il n’ait que moi à s’occuper et à l’esprit[3] ».

 

Les griefs des patients

 

Un sondage commandé en 2013 par l’association « Paroles de professionnels » fait la liste des cinq principaux motifs d’insatisfaction des patients :

  • le temps d’attente avant la consultation (lorsqu’il dépasse 15 minutes),
  • les dérangements téléphoniques,
  • le sentiment d’être mis à distance,
  • les consultations très rapides (qui durent moins de 15 minutes),
  • les erreurs de diagnostic.

On voit donc que l’insatisfaction des patients est très peu (un seul grief) liée aux compétences scientifiques du praticien et presque exclusivement à l’attitude de celui-ci vis-à-vis de son patient, plus exactement au temps et à l’intérêt dévolus au patient. Une enquête[4] sur les sentiments éprouvés par les patients dans la salle d’attente montre que ceux-ci n’aiment pas avoir l’impression que le médecin doit suivre un planning horaire serré ; les patients se sentent alors bousculés et découragés de demander tous les conseils souhaités, notamment en médecine préventive[5].

 

Une hypersensibilité du patient à autrui

 

Un autre sondage, réalisé aux États-Unis en 1985, s’intéressait aux raisons pour lesquelles les patients changeraient de médecin généraliste : déjà, il y a donc plus de trente ans, venaient en premier lieu le manque de sympathie/respect ressentis et l’impression de n’être pas pris au sérieux (51,7%) puis seulement ensuite l’incompétence supposée du praticien (40,2%) et enfin son manque de disponibilité (27,8%). Le Centre d’Éducation du Patient commente ce sondage et plusieurs autres en remarquant que le patient, du fait de sa souffrance et de l’angoisse qui va de pair, est souvent hypersensibilisé aux rapports à autrui ; le moindre événement de son vécu se trouve considérablement intensifié et en particulier ses interactions avec les gens.

En outre, la relation aux soignants serait une caisse de résonance encore plus importante, dans la mesure où la moindre remarque est reçue ou analysée comme une reconnaissance, plus ou moins satisfaisante ou décevante, de l’importance de la maladie[6]. Une observation innocente et anodine du praticien peut ainsi être vécue comme une blessure douloureuse.

 

Le stress et le surmenage des médecins

 

De leur côté, les médecins ont souvent le sentiment que la relation que le patient entretient avec eux est devenue plus « consumériste[7] » ; le patient changerait de praticien lorsque ses attentes sont déçues et semblerait parfois faire son marché dans l’offre médicale disponible, en fonction de tous ses besoins. Le Dr. Frédéric Bonlarron estime que « c’est un piège pour les médecins qui veulent répondre à tout[8] », ce qui n’est pas humainement faisable. Bonlarron souligne le paradoxe d’une relation où le médecin « est mis sur un piédestal et à la fois, ses savoirs sont sans cesse remis en question. » Selon une étude, 75% des médecins estiment notamment que les malades sont devenus plus exigeants et 80 % estiment ressentir beaucoup de stress après les consultations devant un malade nettement plus précis dans ses questions[9]. Le problème rencontré par le praticien peut d’ailleurs aussi être celui non pas de l’acuité des questions, mais de leur surabondance, rendant concrètement impossible d’y répondre.

On a pourtant vu que, de l’avis des patients, c’est plus souvent l’attitude du médecin que ses savoirs qui est sujette à critiques. Mais la contradiction reste la même : un rapport où alternent admiration et indignation, imposant implicitement au médecin un idéal trop lourd à porter. Selon une étude publiée en 2019, près de la moitié des médecins seraient en burn-out[10] ; or, d’après un sondage BVA, la relation médecin-patient serait la deuxième cause de burn-out, située presque immédiatement derrière la charge de travail (41% vs 46%)[11].

 

Chacun est responsable de la relation médecin-patient

 

Certes, il faut se garder de faire du patient le responsable du mal-être du médecin. Dans toute relation, il y a au minimum deux acteurs, qui jouent chacun un rôle dans la manière dont la relation se déploie. Or, le point de vue des patients comme celui des médecins confirme a minima que la relation qu’ils entretiennent est un enjeu capital pour le bien-être respectif des deux parties. En explorant ce que chacun a à dire de cette relation, on peut tenter de mettre le doigt sur les malentendus, d’évaluer les attentes les plus fondamentales de chaque partie et de réfléchir à la manière de les concilier.

 

Dr. Nguyen Phuong Vinh.

 

[1] Marie-Cécile Dedianne, Attentes et perceptions de la qualité de la relation médecin-malade par les patients en médecine générale : application de la méthode par focus groups, Thèse de Médecine, Université de Grenoble, 2001, p. 53, https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-00784221/document

[2] Frédéric Bonlarron, psychanalyste et président de l’association « Paroles de professionnels », cité dans Cécile Coumau, « Sondage : ce que les patients reprochent à leur médecin », Pourquoi Docteur, 11 septembre 2013, https://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/3579-Sondage-ce-que-les-patients-reprochent-a-leur-medecin

[3] Marie-Cécile Dedianne, Attentes et perceptions de la qualité de la relation médecin-malade par les patients en médecine générale : application de la méthode par focus groups, Thèse de Médecine, Université de Grenoble, 2001, p. 55-56, https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-00784221/document

[4] Heather N. Sherwin, Megan McKeown, Michael F. Evans et Onil K. Bhattacharyya, « L’’’attente’’ dans la salle d’attente – De nuisance à opportunité », Can Fam Physician, mai 2013, 59(5), p. 222-224.

[5] Wolff LS, Massett HA, Weber D, Mockenhaupt RE, Hassmiller S, Maibach EW. “Opportunities and barriers to disease prevention counseling in the primary care setting: a multisite qualitative study with US health consumers.”, Health Promot Int. 2010;25(3):265–76.

[6] « La relation soignant-soigné, une relation bien particulière ? Comment se caractérise-t-elle ? », 20 décembre 2016, Centre d’Education du Patient, https://www.educationdupatient.be/index.php/education-du-patient/les-attentes-du-patient

[7] Alain Moreau, Marie-Cécile Dedianne, L. Sarrassat, Philippe Hauzanneau, José Labarère, JL. Terra, « Attentes et perceptions de la qualité de la relation entre médecins et patient », La Revue du praticien – médecine générale, Tome 18, n° 674/675 du 20 décembre 2004.

[8] Cécile Coumau, « Sondage : ce que les patients reprochent à leur médecin », Pourquoi Docteur, 11 septembre 2013, https://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/3579-Sondage-ce-que-les-patients-reprochent-a-leur-medecin

[9] Dr. Emile Olaya, Etude des mutations de la médecine générale, URML Rhône-Alpes, juillet 2005, file:///Users/phuongvinhnguyen/Downloads/mutations_med_gen.pdf

[10] Ziad Kansoun, Laurent Boyer, Marianne Hodgkinson, Virginie Villes, Christophe Lançon, Guillaume Fond, “Burnout in French physicians: A systematic review and meta-analysis”, Volume 246, 1 March 2019, Journal of Affective Disorders, p. 132-147.

[11] Cécile Coumau, « Sondage : ce que les patients reprochent à leur médecin », Pourquoi Docteur, 11 septembre 2013, https://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/3579-Sondage-ce-que-les-patients-reprochent-a-leur-medecin

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