Désir d'enfants volet 3 - Dr Nguyen à Paris

Le désir d’enfant (III) : un désir de transmettre ou de combler un manque ?

 

Résumé : Le désir d’enfant est complexe parce qu’il est à la fois désir de ne pas disparaître (et donc de transmettre son patrimoine génétique et culturel) et désir de combler un manque, lié au parcours de vie (relation à la mère, relation au partenaire amoureux, carrière…).

 

Le désir d’enfant est généralement lié par les parents au désir de transmettre, mais cette notion de transmission recouvre en réalité plusieurs éléments, notamment une peur de la mort individuelle et de la disparition.

 

Transmettre son patrimoine génétique et culturel

Monique Bydlowsky explique qu’il y a un double désir chez l’être humain d’empêcher la disparition de soi : à la fois sur le plan génétique et sur le plan culturel. Il s’agit :

  • d’assurer la perpétuation de ses caractères héréditaires individuels[1]
  • et d’assurer la transmission de l’histoire personnelle et familiale[2].

Agrégé de philosophie et docteur en médecine, François Dagognet estime que « par là même, l’individu évite son entière disparition, c’est-à-dire la mort[3] ». Dans le désir d’enfant, il y a donc le désir de se perpétuer comme espèce, comme individu. A cela s’ajoute le désir de se perpétuer en tant que société, c’est-à-dire de transmettre les caractéristiques et traditions d’un groupe social et culturel. Cela explique notamment que beaucoup de couples reproduisent un modèle familial : le nombre idéal d’enfants exprimé par les jeunes adultes s’approche généralement de la taille de leur famille d’origine, soit actuellement entre deux et trois enfants[4].

 

Combler un manque affectif ou psychique

Mais le désir, en tant que projection vers un objet extérieur, signifie aussi qu’il y a un manque dans la vie de l’individu, quelque chose que l’on veut ajouter à sa vie et qui n’est pas seulement un besoin de continuité (de l’espèce, du patrimoine génétique, du groupe social) après la mort.

Ce manque peut :

  • être lié à un deuil (il est fréquent qu’un des parents cherche à compenser un deuil en désirant un enfant) ;
  • correspondre à une faille identitaire : selon les particularités de son histoire, l’individu désire l’enfant comme on désire guérir une blessure ou combler un vide dans son identité sociale ou intime.

Pour un certain nombre d’individus, l’enfant est en effet désiré pour compléter ou réparer une identité frustrée ou blessée. La maternité est vue comme modifiant ou devant modifier l’identité des parents, en particulier de la future mère. Voici en quoi la maternité est supposée compléter ou réparer[5] :

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Compléter :

  • La maternité est l’aspect le plus convoité de l’idéal du moi féminin, basé sur l’identification précoce de la femme enceinte avec sa propre mère[6];
  • Il s’agit d’offrir à sa mère un cadeau qui la remercie du don de la vie qu’elle nous a fait ;
  • il s’agit, aussi, d’accéder à une identité irrévocablement nouvelle, puisque la relation mère-enfant est sans retour possible[7];
  • Il s’agit de parachever le couple en mêlant l’identité de chacun dans un nouvel être.

 

Réparer :

  • La maternité est l’occasion de régler sa dette avec sa propre mère en créant un sentiment maternel nouveau[8];
  • Avoir un enfant est un moyen de se rebeller contre les vieilles images, en adoptant un style de vie entièrement différent de celui d’une famille contre laquelle on s’est rebellé[9];
  • On fantasme un enfant qui pourra tout accomplir (ambitions professionnelles), tout réparer (la solitude affective) ;
  • La maternité peut être une tentative de resouder un couple en crise ;

Consacrer toutes ses énergies à l’enfant après sa naissance détourne aussi d’autres préoccupations[10]. Plutôt que de se pencher sur les causes profondes de son désir et que d’entreprendre un cheminement intérieur, l’individu a davantage tendance à se projeter pour chercher à l’extérieur la réponse à son insatisfaction. Un psychanalyste écrit que « l’enfant est plus l’héritier d’une question restée sans réponse, d’un manque de réponse[11]. » Le risque est alors que l’enfant ne suffise pas, ne puisse combler totalement les attentes inconscientes des parents.

 

Dr. Nguyen Phuong Vinh.

[1] Monique Bydlowski, « Les enfants du désir. Le désir d’enfant dans sa relation à l’inconscient », Psychanalyse à l’Université, 1978, 4, 13, p. 59-92.

[2] Monique Bydlowski, La Dette de vie. Itinéraire psychanalytique de la maternité, Paris, PUF, 1997, p. 139.

[3] François Dagognet, L’homme, maître de la vie ? : penser le vivant, Paris, Bordas, 2003, p. 4.

[4] Laurence Charton et Joseph J. Lévy, « Désir d’enfant et désir de transmission », Anthropologie et Sociétés, vol. 41, n°2, 2017, p. 9-37 ; voir aussi Karime Boudaoud, Mardhia Kadri et Guy Didier (dir.) « Désir d’enfants – peut-on avoir le nombre d’enfants que l’on veut, quand on veut ? », mars 2013, https://udaf68.fr/sites/udaf68.fr/files/documents/resultenq13_desirdenfant_4_pages.pdf

[5] Amal Abdel-Baki et Marie-Josée Poulin, « Du désir d’enfant à la réalisation de l’enfantement. I. Perspectives psychodynamiques du vécu normal autour du désir d’enfant et de la grossesse », Psychothérapies, 2004/1, vol. 24, p. 3-9, https://www.cairn.info/revue-psychotherapies-2004-1-page-3.htm

[6] Harold P. Blum, « Masochism, the ego ideal, and the psychology of women », J Am Psychoanal Assoc, 1976, n°24 (5 Suppl), p. 157-91.

[7] D. Pine, « Pregnancy and motherhood: interaction between fantasy and reality », Brit. J. Med. Psychol., 45, 1972, p. 333-343.

[8] Judith Rappaport, « Analytic work concerning motherhood », Psychoanal. Rev., 81/4, 1994, p. 695-716.

[9] Yvon Gauthier, « Du projet d’enfant aux premières semaines de la vie : Perspectives psychanalytiques », Hôpital Ste-Justine, Montréal, Canada, 1996 (communication à titre privé).

[10] Yvon Gauthier, « Du projet d’enfant aux premières semaines de la vie : Perspectives psychanalytiques », Hôpital Ste-Justine, Montréal, Canada, 1996 (communication à titre privé).

[11] Marc Strauss, « Le désir d’enfant », Champ lacanien, vol. 3, n° 1, 2006, p. 81-88.

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