L’impact du parcours de lutte contre l’infertilité sur la libido - Dr Nguyen à Paris

L’infertilité (VI) : L’impact du parcours de lutte contre l’infertilité sur le désir

 

Résumé : Les troubles de la fertilité, difficiles à vivre psychologiquement pour le couple, sont souvent particulièrement délétères pour la vie intime de celui-ci. L’image dégradée de la virilité, l’intrusion du médical dans le quotidien, l’orientation de la sexualité vers la seule procréation ou au contraire la séparation sexualité/procréation perturbent l’intimité.

 

La dépression contribue à séparer physiquement le couple

 

Les travaux sur l’infertilité mettent au premier plan des conséquences la souffrance dépressive commune à l’homme et à la femme[1] ; une patiente témoigne : « J’ai glissé gentiment, mais sûrement vers la dépression. Mon couple était en danger. Nous ne parlions plus, nous n’arrivions plus à rentrer en contact. Mon mari me regardait me détruire à force de traitements et d’échecs sans pouvoir m’aider, car je m’obstinais à ne rien lâcher[2]. »

 

La vie intime exclusivement procréative

 

Mais un des aspects les moins souvent évoqués du parcours de lutte contre l’infertilité est sans doute l’impact que ce parcours est susceptible d’avoir sur la vie intime du couple. En effet, lorsque le désir d’enfant se heurte à des troubles de la fertilité et que le couple s’engage dans un protocole de soins ou d’assistance pour tenter de résoudre ses difficultés, la sexualité change soudain de rôle et de statut.

 

Exclusivement investie par la volonté de procréer, elle voit s’estomper ses autres dimensions : sa spontanéité, son caractère ludique, sa tendresse, son pouvoir unificateur : « les couples arrivant à la consultation avec une kyrielle de tests d’ovulation sur leur smartphone sont légion ; les rapports sexuels deviennent ciblés et uniquement procréatifs[3]. »  

 

Le désir et le plaisir, relégués aux fonctions périphériques de la vie intime, s’affaiblissent et cela contribue à affecter l’état psychologique du couple, déjà fragilisé.

 

La vie intime séparée de la procréation

 

En outre, lorsqu’aucune procréation n’est possible par des rapports sexuels, la sexualité, au lieu de devenir purement procréatrice (en cas de troubles de la fertilité), est au contraire brutalement séparée de sa dimension procréatrice (en cas d’infertilité totale de l’une ou l’autre ou des deux parties du couple), devenant ce que Léridon appelle une « sexualité stérile[4] » (du point de vue du couple en désir d’enfant).

 

Sur le plan psychanalytique, la promesse de la possibilité d’une conception hors sexualité non seulement remet en cause un lien créé dans l’enfance (entre sexualité et procréation), mais encore opère un déni de la souffrance liée à la « sexualité stérile » (qui restera telle, quoi qu’il arrive).

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La médicalisation du quotidien trouble la vie intime

Cette érosion de la vie intime s’inscrit, de façon plus générale, dans la médicalisation du quotidien du couple, qui risque de perdre peu à peu de vue ce qui l’unissait : « les recherches cliniques s’accordent à souligner l’impact délétère des traitements sur la sexualité des couples, particulièrement une diminution du désir, due à l’intrusion du médical dans leur vie sexuelle[5]. »

Bilan des conséquences des troubles de la fertilité sur la libido

Une étude sur les conséquences problématiques des troubles de la fertilité sur le couple liste quatre principales difficultés rencontrées par le couple dans sa vie intime :

  • « les exigences médicales sont intrusives pour la vie intime. Les examens demandés et le vocabulaire utilisé participent à l’angoisse de perte d’identité sexuelle et à la dévalorisation de soi ;
  • l’homme confond capacité de procréation et virilité. Les femmes se culpabilisent et finiront par rechercher davantage la grossesse que le plaisir sexuel : la sexualité devient un moyen et non une fin en soi ;
  • les stratégies que les couples mettent en place lors des rapports sexuels pour tenter d’optimiser leurs chances de grossesse sont parfois délétères. Ces couples qui peuvent espérer encore une grossesse naturelle essaient de maximiser leurs chances de grossesse en perdant de vue la spontanéité du rapport sexuel ;
  • ce n’est qu’après une durée certaine de l’infertilité, que l’harmonie sexuelle dans le couple semble rentrer dans l’ordre lorsqu’il parvient enfin à s’affranchir du stress de l’AMP[6]. »


Pour les couples qui souffrent de troubles de la fertilité, mais dont la sexualité peut tout de même, avec ou sans assistance, déboucher sur une procréation, il est conseillé de renoncer à toutes les applications smartphone liées à l’identification du jour d’ovulation. Pour retrouver une vie intime équilibrée, sans pour autant limiter la fécondité, il est recommandé d’avoir simplement deux rapports sexuels par semaine espacés de quelques jours[7].

Pour les couples qui souffrent d’infertilité et ne peuvent procréer en lien avec la sexualité, il importe de s’assurer d’un suivi psychologique, de façon à permettre au couple de retrouver ou de conserver une relation intime harmonieuse. L’éventuelle conception d’un enfant, que le couple espère, devrait idéalement pouvoir survenir dans un milieu uni et mutuellement aimant.


Dr. Nguyen Phuong Vinh.

[1] Luc Roegiers, La grossesse incertaine, Paris, PUF, 2003.

[2] Fabienne Guerard, « Témoignage – Devenir parents coûte que coûte… », FIV & Co, 9 octobre 2018, https://fivandco.fr/temoignages/temoignage-parcours-pma-fiv-adoption/

[3] Henri Léridon, Jacqueline Mandelbaum et al., « De l’infertilité à l’assistance médicale à la procréation », adsp, n° 75, juin 2011.

[4] Henri Léridon, Jacqueline Mandelbaum et al., « De l’infertilité à l’assistance médicale à la procréation », adsp, n° 75, juin 2011.

[5] Henri Léridon, Jacqueline Mandelbaum et al., « De l’infertilité à l’assistance médicale à la procréation », adsp, n° 75, juin 2011.

[6] Jeanine Ohl, A. Fernandez, Fanny Reder, Karima Bettahar-Lebugle, C. Rogières et O. Nisand, « Impact de l’infertilité et de l’assistance médicale à la procréation sur la sexualité », Gyn Obst Fert, 2009, 37, p. 25-32.

[7] Charlotte Frossard, « Quand l’enfant ne vient pas », Le Temps, 27 mars 2018, https://www.letemps.ch/societe/lenfant-ne-vient

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