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VIANDE TRANSFORMÉE, NITRITES ET RISQUE DE CANCER COLORECTAL

 

Consommation de viande des Français

 

La consommation de viande des Français n’a pas diminué ces dernières années, puisqu’en 2007 comme en 2018, ils consommaient en moyenne 85 kilos de viande par an. En revanche, la consommation de viandes dites de boucherie (bœuf, veau, agneau, porc frais et viande chevaline) a nettement baissé, passant de 58 à 52.5 g/jour/personne entre 2007 et 2013 [1] ; cela s’explique notamment par la diminution de la consommation de produits frais au profit des produits très transformés. Alors que la consommation de bœuf a énormément diminué, le cochon continue à être la viande la plus consommée par les Français[2], mais c’est le plus souvent sous une forme transformée. Entre 66% et 99% des Européens consomment de la viande transformée[3].

 

Recommandations OMS

 

Dès 2002, l’OMS recommandait de modérer sa consommation de viande transformée pour réduire le risque de cancer colorectal.

Des études épidémiologiques de plus en plus nombreuses suggérant que des augmentations du risque de plusieurs cancers pouvaient être associées à une forte consommation de viande rouge ou transformée, un comité consultatif international réuni en 2014 a demandé au CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer) une évaluation des risques de cette consommation.

C’est en s’appuyant sur cette évaluation qu’en octobre 2015, l’OMS alerte sur les liens entre cancer et consommation de viande rouge (bœuf, le veau, le porc, l’agneau, le mouton, le cheval et la chèvre) et/ou transformée (par salaison, maturation, fermentation, fumaison). Des associations positives ont été observées entre l’exposition à la consommation de viande rouge et développement du cancer colorectal, même si d’autres explications ne pouvaient être exclues et qu’il n’existe donc pas encore de certitudes là-dessus. Mais quant à la consommation de viande transformée, elle a bien été classée comme cancérigène. C’est le cancer colorectal (le deuxième cancer le plus mortel après celui des poumons) qui serait lié à la consommation de viande rouge ou transformée. En particulier, 34 000 décès par cancer / an environ seraient imputables à une alimentation riche en viandes transformées, selon le Global Burden of Disease (GBD) Project, tandis que les données sur la viande rouge apparaissent moins probantes.

 

Risque de cancer ?

 

L’OMS met en avant des raisons pour lesquelles la viande augmenterait le risque de cancer et indique ainsi que des composés chimiques cancérogènes tels que des composés N-nitrosés et des hydrocarbures polycycliques se formeraient pendant la transformation des viandes. Le rôle de la cuisson est également évoqué, mais ces hypothèses sont présentées comme incertaines. A l’époque, l’OMS déclare que « Différents modes de conservation peuvent entraîner la formation de substances cancérogènes (comme des composés N-nitrosés), mais on ignore si cela peut contribuer au risque de cancer, et dans quelle mesure. »[4].

 

Les nitrites

 

Les sels de nitrite et de nitrate sont utilisés en tant qu’additifs alimentaires pour limiter la prolifération de la bactérie responsable du botulisme (clostridium botulinum), pour préserver la couleur et la saveur de la viande ou encore pour contribuer à sa conservation. La principale catégorie de viande à contenir des nitrites est donc la charcuterie industrielle. Le jambon, les saucisses (mais pas celles qui viennent du Royaume-Uni et d’Irlande), les lanières de boeuf séché, le prosciutto, le salami et les viandes en conserve contiennent généralement des nitrites. Cependant, toutes les viandes transformées ne contiennent pas de nitrites ; sont notamment apparus sur le marché certains bacons ou jambons sans nitrites. Il a d’ailleurs été montré que l’absence de nitrites serait sans danger pour les consommateurs[5].

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Distinguer la viande transformée avec nitrites

 

Or, une toute récente étude vient aujourd’hui de confirmer que les preuves variaient selon que la viande transformée contenait des nitrites ou non[6]. A l’intérieur même de la catégorie des viandes transformées, il n’y aurait donc pas les mêmes risques, selon la présence de nitrites. C’est une étude menée par des chercheurs de l’Université Queen’s de Belfast qui affirme qu’il y aurait une différence de risque importante entre la viande transformée traitée avec des nitrites et la viande transformée sans nitrite. Les deux tiers des études analysées par l’université qui traitent des viandes transformées contenant des nitrites montrent un lien avec le cancer. En effet, la consommation de nitrites pourrait mener à la formation de composés N-nitrosés, dont certains sont cancérigènes. Le principal auteur de l’étude, le Dr. Brian Green, invite donc à considérer chaque type de viande séparément, plutôt que d’attribuer globalement à toutes les viandes les mêmes propriétés et les mêmes risques.

 

Conséquences pour la consommation

 

Le Dr. Green rappelle également que le ministère de la Santé (au Royaume-Uni) recommande de ne pas consommer plus de 70g de viande rouge ou de viande transformée par jour et que, en attendant des investigations plus poussées, notamment des études précliniques, il reste sage de respecter ces recommandations. L’OMS conseille « de ne pas manger plus de 500 g de viande rouge par semaine (500 g de viande cuite, ce qui équivaut à 700-750 g de viande crue, en fonction du morceau et de la cuisson) »[7].

Le 20 novembre 2019, plusieurs organismes (Foodwatch, Yuka et La Ligue contre le cancer) se sont associés pour réclamer par pétition[8] l’interdiction des nitrites ajoutés : il s’agit des additifs E249 (nitrite de potassium), E 250 (nitrite de sodium), E251 (nitrate de sodium) et E252 (nitrate de potassium) – particulièrement utilisés dans les viandes transformées comme la charcuterie industrielle.  

Ajoutons que d’autres risques pour la santé seraient liés aux viandes transformées, puisqu’une récente étude publiée par la revue The Lancet[9] montrerait un lien entre la viande transformée et les maladies pulmonaires obstructives chroniques.

 

Dr. Nguyen Phuong Vinh.  

 

Références

 

[1] https://www.la-viande.fr/nutrition-sante/consommation-viande-france

[2] Marie-Josée Cougard, « La France mange toujours autant de viande », 14 octobre 2019, Les Echos, https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/la-france-mange-toujours-autant-de-viande-1139868

[3] IARC Working group, “Monographs on the Evaluation of Carcinogenic Risks to Humans”, The Lancet Oncology, Londres, UK, 2018.

[4] https://www.who.int/features/qa/cancer-red-meat/fr/

[5] Hospital, X.F.; Hierro, E.; Stringer, S.; Fernández, M., “International Journal of Food Microbiology A study on the toxigenesis by Clostridium botulinum in nitrate and nitrite-reduced dry fermented sausages.”, Int. J. Food Microbiol, 2016, 218, 66–70.

[6] William Crowe, Christopher T. Elliott et Brian D. Green, “A Review of the In Vivo Evidence Investigating the Role of Nitrite Exposure from Processed Meat Consumption in the Development of Colorectal Cancer”, Nutrients, 2019, 11(11), 2673 ; voir aussi Pr. Chris Elliott, « Strongest link yet between nitrites and cancer – but ‘not all processed meat has same risk’”, 19 décembre 2019, Queen’s University Belfast, https://www.qub.ac.uk/News/Allnews/Strongestlinkyetbetweennitritesandcancer-butnotallprocessedmeathassamerisk.html

[7] https://cancer-code-europe.iarc.fr/index.php/fr/12-facons/regime-alimentaire/1206-qu-entend-on-par-viande-rouge-et-viande-transformee

[8] https://www.ligue-cancer.net/article/54352_stop-aux-nitrites-ajoutes ; voir également https://www.foodwatch.org/fr/sinformer/nos-campagnes/alimentation-et-sante/additifs/petition-stop-aux-nitrites-ajoutes-dans-notre-alimentation/

[9] Raphaëlle Varraso, Orianne Dumas, Krislyn M. Boggs, Walter C. Willett, Frank E. Speizer, Carlos A. Camargo Jr, “Processed Meat Intake and Risk of Chronic Obstructive Pulmonary Disease among Middle-aged Women”, The Lancet, Vol. 14, 1er septembre 2019, p. 88-95.

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